Comme, il faut quand meme le dire, j'aime beaucoup tout ce qui est accoutrement vintage style Dynasty (si il existe), dans ce pays bien perche, cet autre univers impitoyable ou l'on ne se souvient plus bien a quoi ressemble la frontiere du kistch, laissee bien loin derriere soi : les robes de mermaids en satin bleu petrole de Joan Collins, les combinaisons alourdies de perles sur les epaules, les epaulettes de camionneurs et les ceintures a boucles dorees. Stevie Nicks et les Vixen reunies, a l'epoque ou l'on s'habillait encore a Las Vegas.
Plus low-key, j'aime l'esthetique du routier americain, les pantalons en cuir, les vestes sans manches Harley Davidson, les photos de pin-up delavees comme l'acid wash taille haute de Thelma et Louise
J'aime les clips ridicules de Sea of Gulls ou Nina Hagen, les keytars et les boomboxes, Flashdance et tout un tas de films et series honteusement glitter dont j'observe avec avidite les voitures, les tenues et les coiffures. Et puis aussi le formica, les cendriers sur pied en fausse corne, les manteaux leopards et la laque Elnett. Dans cette optique "bad taste", je ne pouvais pas ne pas parler des Pink Flamingos.
Chez nous, ce sont les vilains nains de jardins qui ornent les petites parcelles herbues bien tenues du francais moyen. Avec un peu de chance et une vraie devotion ces nains sont entoures de petits moulins a vent recouvert de crepis beige moyen, de petites charrettes bien vernies dans lesquelles poussent des myosotis naifs et des crocus violets et veloutes comme les robes de chambre que l'on a en cadeau chez Damart, entre des petites fontaines en beton marbre effet pierre qui crachotent un jet ridicule, devant les croisillons des claustras en plastique deseperamment verts, 20 ans apres. Ce n'est ni charmant, ni attendrissant, juste violemment kitsch, "tacky" comme on dit ici.
Au Etats-Unis, c'est la classe au-dessus: en Floride ou ailleurs, non seulement on retrouve l'ensemble de ces creatures aberrantes et leur decor made in China, mais a cela s'ajoute souvent une foret de minuscules drapeaux etoiles, ainsi que quelques paires....de flamands roses en plastiques, plantes au centre d'un pneu de tracteur orne de bandes blanches, bleues et rouges.
A la fin des annees 60 deja, la working class commence a orner son frontyard de ces animaux en plastique a la couleur agressive. Et si le nain de jardin est un personnage amene et accueillant, mais plutot solitaire, le pink flamingo vit lui en grappe. Certes, cela lui donne une contenance, car chaque flamand vaque a ses occupations dans differentes positions, mais enfin il n'a rien d'un animal facetieux, et encore moins l'air bonhomme. Incongru et stupide, il reste perche sur une tige en fer, de parterres en bidets reconvertis en pots de fleurs. A ce jour, presque 20 millions de bestiaux ont envahis les pelouses des suburbs, derriere la boite aux lettres et son petit drapeau rouge.
Selon Robert Thompson, du Los Angeles Times :
"[T]here are two pillars of cheesy, campiness in the American pantheon. One is the velvet Elvis. The other is the pink flamingo."Il etait meme possible, avant que cette "mode" ne faiblisse quelque peu au debut des annees 2000, de repeupler le jardin d'un ami en une nuit, pour son anniversaire par exemple, avec l'aide de compagnies plutot boute-en-train, specialisees dans le "flamand d'ornement".
"an exercice in poor taste"- ah?
Avec le film de John Waters, "Pink Flamingos", qui mettait en scene le flamboyant et mondialement connu transsexuel Divine, cet objet kitch est devenu notoire : posseder des pink flamingos dans son jardin, c'etait depasser consciemment (ou pas), mais toujours impunement les limites du bon gout, et par la meme se liberer plus generalement des contraintes puritaines imposees par la societe americaine.
Aujourd'hui, l'ami Amazon nous vend des paires de flamands pour $10.98.
On s'en reprend un ?
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