mercredi 22 octobre 2008

Hotel 17


L'autre fois a NYC on avait decide d'installer notre QG a l'hotel 17 , cet hotel a 2 blocks de tout, grand comme une boite a chaussures qui a servi de toit a la Ciccone avant qu'elle ne devienne Madonna, et a Woody Allen dans "Manhattan Murder Mystery".


On le comprend, Woody. Amanda Lepore y reside a l'annee, et rien que cette information, ajoutee au fait qu'elle fut la muse de David Lachapelle, devrait suffire pour que vous vous representiez le lieu.


Ambiance ! a l'Hotel 17 pour Amanda et David Lachapelle

Il est presente comme un "budget hotel" - meme si la notion de cheap a NYC est toute relative- et le personnel en livree debraillee porte peu d'attention a la palanquee d'europeens fraichement debarques a Gotham qui s'entassent dans l'ascenceur en bois noir.


C est un lieu a film "noir", et on est absolument abasourdi dans les chambres par les 4 murs ornes de 4 types de papier peints fonces et forcement a fleurs, par la moquette bleu nuit et les stores rouges qui encadrent un mobilier depareille qui luit comme la carapace d'un insecte repugnant. Cet hotel aurait pu etre qualifie de shabby chic, avec ce cote deglingue charmant des endroits de luxe qui ne veulent pas l'etre, mais les moulures laquees des dizaines de fois sont trop rongees pour que ce soit volontaire .
Entrer la-dedans c'est savoir d'instinct que se reveiller la-dedans ne sera pas comme d'habitude.

Pas de salle de bain dans la chambre, mais qu'a cela ne tienne, les couloirs sont si peu larges que l'ont peut passer du seuil de sa chambre au carrelage email flambant neuf de la salle de bain sans poser le pied sur la moquette du couloir qui serpente entre des miroirs piques et des vases postiches peints couleur gunmetal.

Vers 4 Am, les poumons calcines et ralentis par une demi bouteille d'un Bordeaux obscur, je m'enfonce les pieds en avant dans un sommeil fumeux, baignee par le reflet rougeatre d'une ampoule nue sur le store en metal rouge qui cliquete en rythme, mu par le souffle irregulier d'une clim tuberculeuse.
Sous mon edredon champetre qui jure avec les 4 murs a la fois, j'entends Scarlett Johansson dire de sa voix rauque que "There is nothing sadder than a town with no cheers". Je renonce a comprendre pourquoi ScarJo et pourquoi cette phrase.

3 h plus tard, j'emerge au milieu d'un fashion show assez particulier. Des mannequins arrivent pieds en avant, couchees dans des cercueils capitonnes de satin neon qui cahotent sur des rails rouilles, comme des wagons minuscules sur un circuit ferroviaire miniature des annees 50. Au bout de l'ellipse, une grande porte en forme de K. Les cercueils stoppent un a un dans un mouvement continu, le mannequin se leve, place ses membres ecartes dans les pattes du K. Un faisceau laser sabre en une fraction de seconde les pommettes hautes, les clavicules, les coutures des vetements, puis le rayon se diffracte, la luminosite est insoutenable et le mannequin bascule de dos dans un charnier aerien. Au fur et a mesure que les cercueils s'arretent, les filles tombent delicatement dans le charnier, insensibles a "Your Voice" de Santogold.
Le sommet de la pile de membres pales qui depassent de tissus et de cuirs froisses atteint presque le haut de la lettre K. Un rire sardonique eclate, et Marc Jacobs, ou Martin Margiela, allume une cigarette, il ressemble a un gothique peroxyde de Tim Burton.

De l'autre cote du mur, on dirait qu'une famille joue aux Dames, la mere est en train de perdre on dirait et quelques mots saccades en ce qui pourrait bien etre de l'espagnol gresillent dans un talkie-walkie. A l'autre bout du couloir, quelque chose d'agressif est profere en reponse, dans un autre gresillement, mais moins fort.

Premier reflexe de la semi-conscience : l'enervement
2eme reflexe: mon cerveau se met a chercher une justification a ce reveil brutal et je tate le rebord cire de la table de nuit a la recherche du portable. Rien. Je decolle un oeil pour remarquer que ce dernier trempe malheureusement au fond du lavabo, au bout du fil du chargeur qui se perd sur l'email jauni par les ans et la clope. Un mouvement lourd et blase plus tard, et je constate qu'il n'est QUE midi.

Assez curieusement, je suis persuadee que je vais trouver en ouvrant ma porte un ruban "Police Do Not Cross ", ainsi que le sheriff Truman assorti de l'adorable Special Agent Dale Cooper, FBI, en costume 3 pieces et une tasse de cafe a la main, pestant contre le manque de serieux d'un staff complice. Mais je ne suis pas Audrey Horne et ici c'est pas Twin Peaks.

Je decide finalement que l'heure qu'il est offre la possibilite d'un jour plus jeune et plus long, a defaut d'etre plus frais et repose, et puis la promesse cruelle et jouissive d'un decor d'aftermath derriere cette porte -du sang sur les miroirs et des eclats de verre brulants- me fait me lever sans attendre.
La pensee suivante est que finalement ca serait bien aussi de se lever pour enchainer sur un apero avant soiree, vu que comme dirait l'autre, il est toujours 19 h quelque part.
Je m'enveloppe dans l'unique serviette froide et humide, saisit la brosse a dents et m'ejecte de la piece.

En lieu et place de Dale Cooper ou de n'importe quel faune/nymphe en serviette de ces lieux- pour lesquels j'aurais volontiers laisse glisser ma serviette sur la moquette tachee de sang comme dans un Fantasia porno realise par Tarantino- je me heurte a un enorme chariot Rubbermaid jaune recouvert d'une montagne de rouleaux de PQ.

De derriere le chariot qui degage une formidable odeur d'ammoniaque, une voix emerge en espanglais tandis que des doigts appuient frenetiquement sur un boitier en plastique qui couine

- "Hey Carmelita tas fait la 312?"
-"Hell no je suis rentree, y avait une fille le cul dans le lavabo, j'ai pas regarde mais enfin y'avait un mec sur elle qui avait pas l'air de vouloir la pousser uniquement pour se raser"
-"Doux Jesus mais tu veux te faire remiser? T'as pas lu la pancarte, le cote ROUGE, merde !?".

L'Hotel 17 est un hotel pour les gens qui veulent a la fois etre faux decadents et qui aiment le second degre.

Au moment ou je passe prudemment devant Carmelita toute a son ire, je vois dans son regard la lueur malicieuse de celle qui, contente de son coup, vient de tirer les ficelles d'une farce grossiere.

La pancarte etait-elle vraiment rouge? Le couple existe-t'il ? la CHAMBRE 312 existe-t'elle ? Pourquoi a-t-elle besoin de hurler dans un talkie pour parler a sa collegue qui est deja a meme de sentir son haleine ? Qui est VRAIMENT Carmelita?

Film noir, Hitchcock a Mexico ou real life a Gotham City, bienvenue a l'Hotel 17 :-)


y aller : Hotel 17 : http://www.hotel17ny.com/ 225 E 17th St, New York

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est trippant, tu as vraiment du talent.
J'avais deja vu cet Hotel 17 sur tripadvisor, mais tu peux me croire que les commentaires de Jo Ann et Jim Bob de Biloxi m'en avaient donne une image bien moins romantique

JelizaRose a dit…

Ouais Tripadvisor ca manque de fun un peu, et puis c est toujours les memes qui ralent (les Anglais) et qui pestent (les vieux). Cela dit , a 3 ou 4 ca vaut le coup cet hotel (la chambre est a $50/personne a 4, et surtout c est vraiment bien place pour tout East Village, Lower east Side, Soho...)