mercredi 3 septembre 2008

Fashion's Death ?

Fashion's Death ?
Vogue FR september 2008 - source : TFS


Blam. Le Vogue US special mode de septembre, 700 pages, de tendances decryptees mal ou pas du tout, du grunge version 2008 au neo-romantisme ingenu, en passant par un avant-garde minimaliste furieusement sexuel et le tailoring chic des bourgeoises sophistiquees. Le Elle, idem, 680 pages de bazar et Jessica Simpson en couv'. Le truc en trop .

C'est L 'Overdose.

Et pourtant, je fais partie de ces fashion junkies insatiables, capables de scanner sites web,magazines et video vite fait mais en en mode Haute Definition , a l'affut de ce grand choc du detail. Toujours le meme mais jamais plus egal au premier, ce fix de nouveaute initial et decisif, ce flash de plaisir et d'emotion devant une allure, une photo parfaite.

Mais la, I AM COMPLETELY LOST.

Il y a encore 10 ou 20 ans, la mode c'etait clair : une silhouette typique, un pantalon taille haute vert ou gris, a pinces en 1987, avec une veste bien longue plutot en pied de poule, un talon carre, et en accessoire, une longue echarpe. Point.

Carine Roitfled n'est jamais bien loin

Vogue FR september 2008 - source : TFS


Aujourd'hui , les diktats sont bien moins definis. Elle recommande le slim en cuir, le legging en latex, le jean large 70, des blouses a fleurs, des robes longues en tissu ecossais, des bonnets enfonces en laine, des collants imprimes, des blazers a boutons dores, de la dentelle et des clous. Et pour aller avec tout ca, la modeuse se doit de posseder un certains nombre de paires de chaussures, de la ballerine argentee aux low-boots ouverts , sans oublier les bottes indiennes de Kate M, des stilletos cloutes, la botte cuissarde en daim ou le sneaker en edition limite.

Finalement en 2008, la seule tendance qui emerge c'est qu'il n'y a plus de tendance.

La mode au sens 2 saisons muries et attendues de pied ferme, un style defini et unique a chaque designer, que les femmes suivaient a la lettre (on achetait TOUT chez Calvin Klein ou TOUT chez Versace, il etait impensable de mixer les 2 - hum tant mieux peut-etre d'ailleurs) et soigneusement disseque par les redactrices de mode, tout ca c'est ultra mega has-been. Meme les createurs mixent a fond, ca explose de partout, c'est le delire . Mais le hangover est encore loin.

Et c est surement mieux comme ca ? Alors, comme on laisse aux tetes redactrices de Vogue le soin de froidement triturer les collections, comme on laisse a ces croutons de vieux journalistes musicaux le soin de definir le genre d'un groupe qui vient de sortir , et de se perdre dans les meandres snobs d'un debat sterile .....

-"alors Philippe, Caravane Palace, c'est du jazz punchy, electronique?"
-" non a mon avis c est de la techno musette"

.... on laisserait a tout le monde le choix du libre arbitre, celui de pouvoir se creer un look unique grace a l'eventail de plus en plus fourni des tendances?

Pas si sur. En ces temps de recession economique, les marques creent surtout des micros tendances capsules, sans cesse renouvellees, pour inciter a l'achat. Et si ta marque ne peut pas suivre le rythme, tu degages. Si le style victorien ne plait pas, qu'a cela ne tienne, on ne prend plus le risque de voir les racks crouler sous les invendus en periode de soldes, on passe direct a un courant western. Ou boheme-folk puisque Kate Moss l'a decide hier :-)

Les grandes marques aussi cessent d'etre un style, pour devenir une marque, une entite marketing, une "signature"particuliere qui transcende la mode. Marc Jacobs, par exemple, est un formidable artificier, capable de gerer des lignes multiples et plutot differentes tant dans l'esprit que dans la cible (Vuitton, Vuitton Maroquinerie, Marc Jacobs, Marc By Marc....) tout en conservant ce fil directeur, cette irreverence associee a cette maitrise si calculees qui lui permettent de vendre en meme temps des sacs a $10 000 pour Vuitton sur les Champs Elysees, ou des bagues en metal a $1 au magasin Marc By Marc de Savannah, GA.

Completement libre et liberee des diktats "punk" de 1977, ou "preppy" des 90's chics, la modeuse voit donc s'ouvrir devant elle la porte grande ouverte de la self-expression. Armee de sa blogroll de sites fashion humoristiques ou trop narcissiques, personnels ou deliberement abstraits, mais toujours pointus, pleins de dessins, de photos, de looks cuisines maison, de nobody ou de stars de la blogo, elle se cree des mash-ups stylistiques , des bootlegs entre le bling Hip-Hop, le Punk abrasif et le Preppy de la cote Est.
Si elle a de l'argent, comme la gamine de Sea Of Shoes, elle va mixer les bottes pieds nus de Margiela, avec un short frange d'Alexander Wang et un top Urban Outfitters. Si elle en a moins, elle va acheter les knock-offs des dernieres Chloe a talon pyramidal chez Forever21, se chercher un cuir vintage et porter ce top loose H&M qui copie si bien le jersey liquide des t-shirts de James Perse.
Finalement, absolument tout le monde melange ses influences (en toute connaissance de cause ou juste en copiant sans reflechir un post du Sartorialist), et cela n'a plus rien d'exceptionnel.

C'est avoir un style exceptionnel qui devient exceptionnel : de maniere contradictoire, avoir autant de choix, d'acces a la mode, grace au renouveau vintage, grace a la fast fashion de H&M, Zara et des autres menacants mais toujours merveilleux copieurs high-streets n'a jamais autant mene a autant d'uniformite dans la rue.

De maniere plutot etrange en effet, la modeuse finit TOUJOURS habillee comme sa prochaine (mais elles restent le moins proche possible, hein), la, dans cette rame de ligne 14, et elle baisse les yeux sur son jean Superfine (la fille d'en face a le meme en noir, l'uberlooze) et sa besace Dreyfuss (merde, c est la meme aussi !!!). Ou comment retrouver sur tout le monde, en meme temps et des deux cotes de l'Atlantique, ces gladiators Nine West ou cette jupe crayon ultra-moulante de chez American Apparel.

The Clothing Warehouse, dans le quartier alternativo-branche d'Atlanta "Little 5 Points"
pic via Flickr

Encore plus curieux, l'engouement massif et soudain pour le vetement vintage. Mais pas pour tous les vetements vintage. Comment se fait-il que TOUTES ces bottes identiques, plates et molles, en marron ou noir aient traverse les ages en parallele pour se retrouver en meme temps aux pieds de toutes les filles dans le Marais ? Pourtant, la caracteristique premiere d'un vetement vintage,c'est son unicite, son parcours secret et tortueux. C'est ce qui fait que le vintage a toujours eu ses aficionados, de luxe ou pas de luxe, ces gens toujours un peu edgy et en marge des tendances qui cherchent la reflexion de leur vie interieure dans des looks qui cherchent la difficulte stylistique . Ces gens qui abordent un rack de blouses mexicaines avec l'assurance teintee d'excitation d'un barreur de haut niveau, pret a eviter avec virtuosite les ecueils du trop cher/trop decale/faux cotton/broderies nulles/ trop pourri/faux vintage.

Je ne pense pas avoir de vraie explication a ce phenomene, excepte que meme en l'absence de reperes de style (meme les magazines feminins ont perdu leur radicalite, leur ton legerement peremptoire, puisque TOUT, absolument tout est acceptable, de la combinaison panthere au body fluo, et se voit parfois l'honneur d'etre au top d'une vaguelette de hype, le temps d'un tirage de Elle), la modeuse s'accroche quand meme a des references.

Ces references ont change, les mags papier vivent une sale periode, et c'est toute la blogosphere, ce monde accelere et acere, affaire a faire et a defaire les listes de Must-Haves qui devient la reference dynamique. La blogosphere, c'est un monde accessible puisqu'il montre la rue et ses styles pas top chers, ces filles imparfaites donc tellement humaines, et pas des mannequins de 17 ans d'1 m 80 portant des Smic au bout d'un bras galbe qu'on ne trouve nulle part ailleurs que dans le monde magique de Photoshop.
Comme dans tous les milieux, le microcosme de la blogosphere mode n'a pas echappe a sa hierarchisation progressive, de la star erigee en prohete du style a la simple gobeuse de tendances: si Rumi de Fashiontoast decide d'acheter une paire de Colin Stuart chez Victoria's Secret, une armee de filles se rue sur le site qui se retrouve vite en rupture de stock. Les marques l'ont bien compris et commencent a approcher les bloggeuses les plus "influentes" en leur proposant,des cartons de fringues envoyees gratis (American Apparel et RVCA pour Rumi) qui seront donc bien sur tacitement mises en scene sur le blog.

Et ca devient tres tres dur de rester objective par raport a ses propres gouts, son propre style. Sur Chictopia, un site de streetstyle completement addictif, ses propres references mises a nu deviennent un peu celles de tout le monde car on partage ses magasins coups de coeur,ses bonnes affaires createurs et ses petits secrets de style, qui se voient exploites et revus a l'infini, a la vitesse des livraisons H&M.
Mais c'est aussi ce challenge qui me pousse a toujours affiner, preciser, decouvrir, trier, adorer, detester la mode.

"there is no such thing as unconscious dressing"

Vogue FR september 2008 - source : TFS


N'oublions pas, avec Diana Vreeland, que :

"There is no such thing as unconscious dressing."

Mes blogs Preferes:

Cafe Mode - scolaire, pointu, culturel
Garance Dore - le top, fin, point, creatif, independant, cool
Childhood Flames - narcissique, minimaliste
FashionToast - ultra narcissique, californien, body-conscious
Sart - the reference, une preference pour ses photos de mecs
Face Hunter - edgy, nightlife embracing
Stilinberlin - berlin quoi
Oslostil - prattu, neat, small, quiet and has that northern sharpness
StreetFancy SF - SF !!
Style Bubble - The english diva
Sea Of Shoes - c est beverly hills la bas
Karla's Closet - sensuous curvy californian babe
What To Wear Daily - neet magazine
Fashionista - humour, edge
Chictopia (lulu)- asian rock chick
Photos from Piksi - perfect vintage babydoll

6 commentaires:

STYLE AND THE CITY . COM - PARIS a dit…

en dis donc, tu n'as rien à leur envier à ces blog

tu es une vraie pro de la mode, bravo !

Kamel
STYLE AND THE CITY . COM - PARIS

JelizaRose a dit…

Hey Kamel merci de passer de temps en temps ! Une pro de la mode ??? J aimerai bien !!!!

binnie a dit…

"Ces references ont change, les mags papier vivent une sale periode, et c'est toute la blogosphere, ce monde accelere et acere, affaire a faire et a defaire les listes de Must-Haves qui devient la reference dynamique. "

je vois exactement le truc de la même façon que toi et j'en discutais y a pas longtemps. perso je pense qu'il ne s'agit pas seulement d'une sale période pour la presse, mais d'un truc plus définitif : il me semble que le diktat des pages de mode des magazines est bel et bien terminé et qu'internet a massacré ce vecteur central d'influences en développant ses propres réseaux, sa blogsphere mode, régie par ses propres règles (déliées d'enjeux commerciaux) qui comporte une myriade de références.

sûr que chez vogue US les nanas doivent être dans leur "petits souliers" - pour faire un jeu de mots pourri. et peut-être qu'anna wintour va devoir s'acheter une perruque.

JelizaRose a dit…

sisi il est bien ce jeu de mots :-) C est bien pour ca d'ailleurs qu'elles commencent a se reveiller et a voir que l'avenir c est peut etre bien internet : a Vogue elles viennent d'embaucher Garance Dore (www.garancedore.fr, qui a mon avis la plus pointue et la plus artistique des bloggeuses mode FR cela dit-)pour une rubrique en ligne. C'est tres lent, mais on sent un effort de la part du gros mammouth paillete pour evoluer. Mais je pense que finalement c'est factice, ca fait pas spontane et qu'il y a pas mal de boulot, surtout sur la mentalite.Ca ne peut pas correspondre moins a Vogue de faire du street, de l'instantane.Ca voudrait dire pour la premiere fois rendre les choses accessibles, donc casser le reve. Je me demande bien ce que ca va donner.
Le diktat des pages papiers est bien termine pour toute une jeune gerenration, mais je pense que commme depuis toujours, il y a une certaine clientele du luxe qui continuera a acheter Vogue comme un catalogue et continuera a prendre son telephone pour appeler les showrooms.Rien que pour cette clientele la, Vogue ne peut pas fondamentalement changer. Dans ce cas je vois bien un magazine a 2 vitesse: un papier enlise dans le passe, magnifique et deconnecte du reel, et un site vivant , oriente plus jeune et street. Mais rien que d'y penser ca donne des frissons:-)

Anonyme a dit…

Ha je suis ton blog depuis un bout de temps mais j'ai lache parce'que tes posts etaient trop longs (je suis honnete hein, je suis plus photos que textes)...
J'ai commence a lire le debut de celui la et je suis arrivee jusqu'a la fin... Il tue sa race franchement!

JelizaRose a dit…

AH Ano merci de me dire ca, c'est vrai qu'a force je me rends compte que la maniere que j'ai de presenter les choses n'est pas vraiment tres adapatee au format blog.....Je vais essayer d'en tenir compte. Merci en tout cas pour ton feedback. Et il y aura d'autres trucs plus photos, genre reportage de voyages....