mardi 13 mai 2008

Le look Fluokids, Intox ou Detox ?



Pendant un ete, celui de 2007, on a beaucoup parle d'un look, Le look Fluokids.

Vous savez, ces etres vingtenaires issus de l'internet, qui, a grand coups de croix fluos, de t-shirts customizes, de photos provocs de bombshells frangees en American Apparel ont cree une nouvelle esthetique sexy , pointue et branchee, forcement exclusive, a la fois completement wild et sensible. On dit que leur blog est devenu le symbole de toute une generation, desinhibee et consciente qu'il faudrait peut-etre penser a revoir le parallelisme d'un monde qui ne tient plus trop la route.

Ils ont ete les initiateurs d'une nouvelle recherche musicale et culturelle, poussant a la creativite individuelle, recherchant l'exclusivite de remix musicaux decapants et de visuels accrocheurs. Ils ont fonde la Blog House, cette communaute de consommateurs de musique insatiables, qui depuis fin 2005 relaient a coup de liens HTML les meilleurs remix des derniers morceaux pop, parcourant la planete de clicks en clicks, de Los Angeles a Sydney. Nes trop tards dans un siecle trop vieux, comme dirait l'autre, ces nu-romantiques deshinibes ont plante le decor et lance le son d'une generation plutot indecise sur ses gouts. Pop, disco, french-touch ,techno, funk et hip-hop , ils font revivre et triturent le siecle passe en creeant le buzz dans un milieu musical plutot formate par les majors. On les a critiques, forcement, et les Justice qui en profitent pour sortir une ligne de fringues (2 vestes en cuir et 2 paires de pantalons, ca ne vous rappelle pas le minimalisme vestimentaire des deux robots les plus connus de la planete?), ca nous sort par les yeux mais que voulez-vous, il y bien longtemps que le mot ART pour lui meme n'a plus aucun sens. Autant dire, gratuit. Ca voulait dire quoi, deja, gratuit ?

Au niveau style, le look Fluokids est plutot passe inapercu : a part quelques soirees parisiennes legerement colorees, un t-shirt H&M copie sur les creations de Henry Holland porte par la tres hype Agyness Deyn, et qui a la fin de l'ete etait toujours en toutes les tailles dans tous les magasins de France et de Navarre, circulez, y'a rien a voir.
Si le courant musical est ne en France avec des groupes comme Justice et le label Ed Bangers, la releve Nu-Rave (ou New-Rave) vient d'Angleterre, avec des jeunes createurs completement dejantes comme Carri Mundane (cf photo dessous) ou des groupes comme les Klaxons. D'un point de vue Francais on dira, comme d'habitude, que l'extravagance (plutot pejoratif en Francais) vient de l'autre cote de la Manche. On ne retient souvent de l'Angeleterre que ces filles pales , molles et court-vetues et avec un sens du vulgaire tres developpe. Mais n'oublions pas que l'Angleterre reste sans concession le foyer des tendances les plus creatives, je pense ici a la papesse du punk Vivienne Westwood, au pirate ethnique John Galliano mais aussi a la nouvelle genereation des Giles, Jeremy Scott et Gareth Pugh qui renouvellent sans cesse la notion du "portable", des proportions et du bon gout.

le look Fluokids lui s'inspire des annees 90, des raves ou la techno, l'obscurite et l'individualisme ont engendre sweats et pantalons confotables, boots montantes et coiffures industrielles.

Les 70's psychedeliques sont egalement amplement utilisees, et les Fluokids affichent des melanges plutot petard de neon-bright colors, qui melent l'ethnique au neoprene dans une frenesie qui brille sous la lumiere noire. Les graphiques simples, cubiques tres jeux-videos 8 bits ajoutent un cote ludique. L'influence hip-hop est egalement presente, avec les high-tops colorees en edition limitee, que meme des marques de luxe comme Pierre Hardy se mettent a sortir, ce qui d'ailleurs pose bien des problemes a toute la blogosphere modeuse: comment les porter, ces foutues baskets? car oui, ce sont bien des baskets, la hantise de toute fashion victim un tant soit peu raffinee.
Une marque anglaise peu connue en France me parait plutot representative de cet esprit et du look Fluokids : Cassette Playa. Leur site fait LITTERALEMENT mal aux yeux. Cela fait egalement penser aux looks Fruits des Japonais (encore des insulaires, a croire que ca leur taperait sur le systeme :-)).

Carri Mundane

Et aux Etats-Unis, des petites marques se sont emparees du style, de maniere plutot creative, comme cette fille de Kansas City avec sa marque Peggy Noland, qu'elle vend dans un magasin en forme de burger geant. Il y aussi des marques liees a ce style, avec un cote plutot dark et plein de reminisences New Wave comme Cosmic Wonder, C-Neeon, Obesity and Speed vendues exclusivement en concept stores a NYC et L.A..... En Argentine, Tomi and Cherry font un malheur avec leurs creations litteralement delirantes.


Alors, pourquoi en France personne n'a jamais ose, tout simplement ? On sait ce qu'est le chic a la Francaise, et la parisienne plus particulierement affectionne la palette neutre des couleurs sourdes : fumee, asphalte, carbone, coquille, poudre, rouille sont ses teintes de predilections, et Maje, Sandro et toutes les nouvelles marques issues du Sentier transforment discretement les rues de Paris en un paysage brumeux. Porter ne serait-ce que du De Castelbajac, finalement plutot Fluokid comme type -tres inspire par les couleurs primaires et les lignes droites de Mondrian- c'est etre "un(e) original", ou meme peut-etre "UN ARTISTE", qui sait ? le bon gout interdit les couleurs flash, reservees aux pompiers ou aux cantonniers de la DDE (ils portent depuis toujours le fluo, sous la forme d'une salopette orange), alors pas de ca chez nous.....

Le fluo a extremement mauvaise reputation : dans les annees 60 en Californie, il etait associe a Ken Kesey et a ses Merry Pranksters qui parcouraient les routes couverts de peintures mystiques a la Day-Glow. Le fluo, c'etait la drogue aussi, les acid-tests au LSD. Et dans les annees 90, le fluo c'etait les raves, la boue. Et la drogue, encore, l'ecstasy, le speed, et le special K.

Un point commun a l'emergence de ces deux styles, et peut-etre aussi aux Fluokids, c'est qu'ils correspondent a des periodes de trouble : les Merry Pranksters arborrent des rictus grimacants sous leur maquillage craquele , la revolution de 68 approche. Dans les annees 90, on echappe a la realite , on crie love, respect, et paix par le biais d'un beat grindcore forcene, de la drogue et des bracelets fluos qui brillent dans les clairieres a Grenoble ou ailleurs.
Les deux epoques ont voulu echapper a la realite, aux conflits, par la couleur, la musique et les experiences qui transcendent les limites de la perception ( de maniere plus ou moins reprehensibles il est vrai). Il est certain que le fluo ne va absolument a personne. Que le corps humain porte mal les imprimes demesures. Mais la n'est absolument la question.

A l'heure ou certains presidents se prennent pour des rock-stars,ou l'Amerique est en train de se sous-developper et ou David Lynch se lance dans la meditation transcendantale histoire de penser a autre chose, les Fluokids et leur look ne seraient-ils pas a nouveau les herauts d'une generation prete a un renouveau ? Ou peut-etre leur prete-je de trop grandes ambitions.......

pics : Cassette Playa, Tomi and Cherry , thelreport.net

Aucun commentaire: